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La Meuse (Néerlandais et Allemand Maas ; flamand Maes ; wallon Moûze; Latin, Italien, Espagnol et Portugais Mosa) est un Fleuve européen de 950 km de long dont le bassin, relativement étroit, est orienté Sud-Nord. Le bassin versant de la Meuse a 36 000 kilomètres carrés de superficie, dont un tiers en Wallonie : un traité a d'ailleurs été signé par cette entité fédérée de la Belgique avec la France, la Flandre, le Luxembourg, les Pays-Bas et l'Allemagne en vue de gérer toutes les questions relatives à ce cours d'eau devenu ainsi international, jusque dans la manière dont les autorités politiques concernées s'entendent pour en préserver les intérêts qu'elles partagent. La carte jointe au traité ne mentionne d'ailleurs pour la Belgique que ces entités, même si les parties contractantes ont tenu ensuite, pour des raisons formelles, à ce que l'État belge y figure aussi.
La Meuse forma la frontière ouest du Saint Empire romain germanique de sa création au IXe siècle jusqu'à l'annexion de la plupart de l'Alsace et de la Lorraine par la France par le traité de Westphalie (1648), et l'annexion de la Principauté de Liège à la France en 1792. Elle est toujours mentionnée nostalgiquement dans l'hymne national allemand.
Géographie
La Meuse en France
La
Meuse prend sa source en
France, plus précisément en
Champagne-Ardenne sur le
plateau de Langres, à Pouilly-en-Bassigny, commune de Le Châtelet-sur-Meuse (département de la
Haute-Marne). Avant de traverser la frontière franco-belge, elle parcourt 480 km sur le territoire français en suivant grossièrement une direction Sud-Nord.
Le fleuve quitte rapidement le département de la Haute-Marne pour rejoindre la Lorraine dont elle traverse deux départements :
- le département des Vosges: elle y baigne Bazoilles-sur-Meuse (où elle se perd dans le sous-sol pour ressurgir à Neufchâteau) avant de pénétrer dans les Côtes de Meuse au niveau de Neufchâteau. Elle passe au pied de la basilique du Bois-Chenu et auprès de la maison de Jeanne d'Arc à Domrémy-la-Pucelle.
- le département de la Meuse, qui lui doit son nom. Au cours la traversée de ce département la Meuse suit une étroite vallée et ne reçoit que les eaux de maigres ruisseaux. Elle arrose notamment :
- Commercy, sous-préfecture du département de la Meuse, où on peut voir un château et goûter la spécialité de la ville : les madeleines.
- Saint-Mihiel où il est possible d'admirer une abbaye bénédictine. La Meuse y longe des falaises d'origine corallienne.
- Verdun, autre sous préfecture du département. Au nord de la ville, on peut visiter des champs de bataille, (parsemés de forts, de cimetières et des monuments commémoratifs) sur les deux rives de la Meuse : de nombreux villages ont été détruits lors de cette bataille en 1916 et certains sont toujours inhabités et inhabitables. Verdun est aussi connu pour ses dragées.
- Dun-sur-Meuse où la Meuse quitte les Côtes de Meuse pour rejoindre la plaine de la Woëvre. On peut y admirer une église du XIe siècle.
- et Stenay où on peut visiter le musée européen de la Bière.
La Meuse retourne ensuite en Champagne-Ardenne via le département des Ardennes où elle arrose Sedan, Charleville-Mézières, Nouzonville, Revin, Fumay et Givet.
La Meuse en Belgique
Puis elle entre en
Belgique, traversant les provinces
wallonnes de
Namur et
Liège, passant par
Hastière,
Dinant,
Yvoir,
Namur,
Andenne,
Huy,
Seraing,
Liège et
Visé.
La Meuse aux Pays-Bas
Ensuite, après avoir arrosé la ville néerlandaise de
Maastricht, elle fait office de frontière entre la province
flamande de Limbourg et son homonyme néerlandaise jusque
Maasmechelen où elle se dirige vers la frontière néerlando-allemande qu'elle suit avant de se diriger vers l'ouest.
Se mêlant au Rhin avec lequel elle forme un large delta (barré par les ouvrages du Plan Delta), elle se jette alors dans la Mer du Nord aux environs de Rotterdam. Pour cette raison, elle est parfois considérée comme une rivière confluente du Rhin et non un fleuve. En particulier, elle ne fait pas partie des grands fleuves français enseignés à l'école primaire en France.
Affluents
La Meuse traversant des régions très arrosées (massif des Ardennes entre autres) possède des affluents nombreux et souvent abondants.
Article détaillé : .
Ses principaux affluents sont : le Mouzon, le Vair, la Chiers, la Semois, la Lesse, la Sambre le Bocq, le Samson, l'Ourthe et la Roer sur la rive droite, la Bar, la Sormonne, le Viroin, la Molignée, la Sambre, la Mehaigne et le Geer sur la rive gauche.
Hydrologie
Le fleuve admet de Rotterdam jusqu'au port autonome de Liège les bateaux de type rhénan (2500 tonnes) et les barges 2 x 4500 tonnes.
Il est ensuite navigable pour les péniches de 1350 tonnes jusqu'à à Givet.
Sur le territoire français, il est canalisé — en empruntant parfois le canal de l'Est, branche Nord — de Givet à Saint-Mihiel au Gabarit Freycinet (250 tonnes à 1,80 m d'enfoncement).
En amont il suit son cours naturel, soumis à des étiages bas et des crues importantes et n'est plus navigable que par portions.
Le Canal Albert relie la Meuse (à partir de Liège) à l'Escaut (à Anvers), en passant par le bouchon de Lanaye.
Le projet avorté du canal de l'Ourthe prend également naissance à Liège. Il devait initialement desservir le Luxembourg grâce à une liaison Meuse-Moselle.
La Meuse est parcourue par de nombreuses embarcations de plaisance. Ses profonds méandres lors de la traversée du massif des Ardennes sont autant de lieux touristiques.
Débits
- Le débit de la Meuse à Domrémy-la-Pucelle, avant la confluence avec le Vair, est de 13,3 m³ par seconde. L'apport des 5 m³ par seconde du Vair fait passer ce débit à 18,5 m³, et la Meuse devient dès lors un cours d'eau d'importance moyenne. Son débit passe à 21,2 m³ par seconde à Vaucouleurs, 24,2 à Commercy, 30,5 à Saint-Mihiel, 47,3 à Stenay, plus de 80 à Sedan et 107 à la sortie de Charleville-Mézières.
- Le débit moyen observé à Heer (commune d'Hastière), peu en aval de Givet, à la frontière franco-belge, entre 1995 et 2004 est de 163,2 m³ par seconde, avec un maximum moyen de 221,0 m³ en 2001, et un minimum moyen de 100,3 en 1996 .
- Le débit moyen à Namêche, peu en aval de Namur, observé durant la même période 1995-2004, est de 210,8 m³ par seconde, avec un maximum moyen de 297,1 m³ en 2001, et un minimum moyen de 122,0 en 1996
Particularité géomorphologique
La traversée du sud au nord du
Massif ardennais par le cours de la Meuse est une particularité remarquable de ce fleuve. Habituellement, les cours d'eau partent d'un massif pour rejoindre la plaine et ensuite la mer.
Le creusement de cette vallée est dû à une chronologie particulière des évènements géomorphologique de la région :
- Durant l'Oligocène, il y eut une ouverture du fossé rhénan accompagnée d'une surrection (soulèvement) de ses épaulements, la Forêt-Noire et les Vosges. À partir des Vosges s'organise un réseau hydrographique : Meuse, Moselle, Meurthe ; (la Moselle était, il y a plusieurs millions d'années, un affluent de la Meuse, se jetant dans ce fleuve à hauteur de Pagny-sur-Meuse qui a subi une capture au profit du Rhin).
- Au cours de ces derniers millions d'années, par Flambage de la croûte, le massif ardennais s'est soulevé, là où passait déjà la Meuse. Cette surrection lente (moins d'1 mm par an) a néanmoins permis au fleuve de conserver par érosion son niveau de base en creusant au fil des années une profonde vallée dans le massif des Ardennes.
Cela explique comment ce cours d'eau a pu garder sa pente alors que le relief l'entourant a pris une pente inverse ! Cela explique également la profondeur du ravinement que représente la vallée de la Meuse dans les Ardennes.
Selon certains auteurs, cette situation est instable. Le réseau hydrographique du bassin devrait — dans un avenir lointain — se réorganiser au détriment de la Meuse. D'une part, la partie inférieure de son cours en France deviendra un affluent de l'Aisne, donc de la Seine, dévié vers le sud à l'entrée de l'Ardenne par la vallée de la Bar. D'autre part, son cours supérieur deviendra un affluent de la Moselle, et donc du Rhin, à partir du fossé de Neufchâteau.
Histoire
Flumen Patabus
Flumen Patabus, tel est le nom de la Meuse sous l'empire romain. C'est inscrit sur la
Table de Peutinger.
Le nom d'un dieu
En wallon, Meuse se dit
Mouze et n'a pas d'article, vieille réminiscence des croyances celtiques (et de bien d'autres peuples) qui font des fleuves un
dieu, une personne en quelque mesure. La ville de
Dinant aurait d'ailleurs cette étymologie
Deo nantes,
vallée des dieux. La première trace écrite mentionnant le fleuve est le
Latin Mosa (qui donna notamment son nom à l'art mosan, ainsi qu'à la ville de
Maastricht, dont le nom latin est
Mosa Trajectum.
Le sac de Dinant et de Liège
La pratique de la dinanderie opposa
Bouvignes à
Dinant.
Philippe de Commynes l'a bien raconté dans ses chroniques et
Jules Michelet en a été frappé. C'est à la même époque que Philippe le Bon, duc de Bourgogne prit la ville (en 1466), l'incendia et fit massacrer ses habitants en les jetant liés deux par deux dans la Meuse. Deux ans plus tard,
Liège, subit le même sort en 1468. Dinant et Liège faisaient toutes les deux partie de la Principauté de Liège alors que Bouvignes faisait partie du
Comté de Namur, déjà bourguignon. Cet ancien Comté que l'on peut remonter tout au long du fleuve de Charleville à Namur, excursion qu'on peut dire au moins
intéressante car l'Histoire est à chaque virage de la Meuse.
Fleuve industriel
Industrielle, la Meuse l'est déjà au
Moyen Âge, et certains historiens découpent ainsi une zone industrielle qui va de
Dinant à
Liège. Elle le deviendra encore plus avec la Révolution industrielle. Les forges et fourneaux de l'
Ardenne qui transformaient le fer à partir du charbon de bois durant des siècles, vont voir leur travail se transporter des petites rivières rapides qu'elles utilisaient pour leur industrie, vers les plus grandes comme la
Sambre (qui se jette dans la Meuse à Namur), et la Meuse, où va s'édifier, au XIX
e siècle, de
Charleroi à
Liège, la deuxième puissance industrielle au monde, à la verticale du bassin houiller qui va du
Nord français au
Borinage, et de celui-ci au Limbourg en passant par
La Louvière,
Charleroi et Liège. Cette
Sidérurgie, aujourd'hui en déclin, subsiste toujours malgré tout et a été intégrée récemment dans l'accord
Mittal-
Arcelor.
Le cauchemar de 1914
Fleuve tragique, la Meuse a été chaque fois sur le parcours des invasions et des rivalités européennes, tragiquement. Le
23 août 1914, les 100
e, 101
e, 103
e, 108
e, 178
e, 182
e régiments d'infanterie de l’armée impériale allemande après avoir été rejetés sur la rive est de la Meuse par les soldats français de Franchet d'Esperey (parmi lesquels le lieutenant
De Gaulle), les rejettent définitivement sur l'autre rive. Lors de l'assaut français réussi, la population a fraternisé avec les soldats de Franchet d'Esperey, chanté de multiples fois la Marseillaise. Comme en d'autres villes de Belgique ou de France, les Allemands sont persuadés (à tort) qu'ils ont affaire à des francs-tireurs (souvenirs du conflit de
1870, hantise qui devient hallucination). À
Dinant leur
fausse croyance sincère comme le disent deux historiens irlandais, John Horne et Alan Kramer, dans « Les Atrocités allemandes » (Tallandier, Paris, 2005), vont transformer la ville
en enfer de Bosch: plusieurs quartiers seront entièrement détruits par le feu. On compte 674 victimes civiles fusillées par les régiments allemands, le plus important massacre d'août
1914.
Les Dinantais contemporains de la Bataille de Verdun en 1916 — Verdun pourtant distante de 150 km environ — affirment que l'on entendait certains jours le bruit du canon de la bataille.
Mai 1940
En mai
1940, c'est aussi un peu au sud du centre de
Dinant, à
Leffe que les premiers fantassins allemands suivis des chars de
Rommel passent la Meuse ainsi qu'à
Houx. Le lendemain, ils franchissent la Meuse à
Sedan lors de la
Percée de Sedan. La
Bataille de France est virtuellement perdue. Pourtant le 13 et le 14 mai, l'armée française se battra pour repousser l'invasion, notamment à
Haut-le-Wastia (sur les hauteurs à l'ouest de Dinant), avec un tel héroïsme que la population du village est demeurée liée longtemps aux anciens de 40 à qui, spontanément, elle éleva un monument. Le 16 mai, le général
Gamelin informe le Gouvernement de
Paul Reynaud qu'il ne peut plus assurer la sécurité de
Paris. L'armée belge qui a déjà évacué la position fortifiée de
Liège, menacée d'encerclement, se retire aussi de
Namur. Seuls les troupes de forteresse à Liège et Namur demeurent en place et comme à Liège se battront héroïquement. L'armée belge se retire sur la ligne KW puis sur l'
Escaut, enfin plus loin sur une rivière franco-flamande où elle livrera sa dernière bataille, la bataille de la Lys.
La Meuse européenne
Récemment, la
France, les
Pays-Bas, la
Région flamande (la Meuse l'arrose sur un trajet très court dans la région de
Maasmechelen) et la
Région wallonne, ont signé un accord international sur la Meuse qui assure la co-gestion du fleuve par les trois pays (les deux États et les deux régions belges).
Culture
L’Art mosan
La Meuse, qui traverse l'Est de la Belgique de part en part, a suscité un courant d'art, que l'on appelle
Art mosan. Cette appellation regroupe un ensemble de productions entre le Saint Empire romain germanique et la
France de 900 à 1600, principalement dans l'ancien diocèse de Liège (400-1559) et qui permet de mettre en perspective l'Histoire de la Wallonie et de la Principauté de Liège (même si l'Art mosan concerne aussi une petite partie de la France et des Pays-Bas), dans une longue durée culturelle avec l'architecture et les belles collégiales d'
Hastière, de
Nivelles, de St-Barthélémy à Liège, le travail du bois, de l'ivoire, des métaux (les fonts baptismaux de St-Barthélémy, la
Dinanderie…).
Les vers de Péguy
Péguy a mis dans la bouche de
Jeanne d'Arc, née à
Domrémy sur la Meuse, les vers bien connus :
Adieu Meuse endormeuse et douce à mon enfance
Toi qui demeures aux prés où tu coules tout bas
Adieu Meuse ! j'ai déjà commencé ma partance
Vers des pays nouveaux où tu ne coules pas.
L’image de l'Univers
Dans son livre
Une certaine idée de la Wallonie, qu'il a tenu à illustrer par une peinture d'
Henri Blès,
Paul-Henry Gendebien écrit, décrivant en quelque sorte la démarche intellectuelle du grand peintre mosan en pensant à tous les lieux en Europe où l'on peut voir ses oeuvres:
L'Europe voit qu'un paysage du maître wallon - qui est mosan et qui ne peut qu'être mosan - est aussi le paysage par excellence, ce qui le hisse par le fait même au rang d'image de l'Univers.
La Meuse mythique
André Dhôtel est un Mosan qui, de la Meuse française à la Meuse belge, a écrit ce roman extraordinaire dont
Bayard est quelque peu le héros,
Le pays où l'on n'arrive jamais. Il y a dans ce livre, curieusement, le fantasme de la mer et des grandes villes flamandes ou néerlandaises où la Meuse rejoint la mer parmi les
cathédrales et les
beffrois.
Quant aux liens de toute la Meuse dans son parcours français et belge (ainsi que les affluents), Rita Lejeune (voir bibliographie) a dressé la carte des dizaines voire des centaines de toponymes étonnamment liés à la légende de Bayard, du Plateau de Langres à Maastricht.
La pleureuse
Dominique A cite la Meuse dans sa chanson
La pleureuse, soulignant le côté sombre du cours d'eau comparé au bleu du Danube.
En plombeur de ces dames
Ou en consolateur,
Si tu y trouves ton compte
J'inonderai ton coeur.
Et que le beau Danube
Se transforme en la Meuse
Et je suis ta pleureuse
Oui, je suis ta pleureuse
Pour toujours ta pleureuse.
Galerie
Voir aussi
- Liste de fleuves dans le monde
- Liste des fleuves de France
- Liste des cours d'eau de Belgique
- Bassin versant de la Meuse
- Histoire de la Wallonie
- Géographie de la Wallonie
Liens externes
Bibliographie
- Jules Michelet, Histoire de France (Tome VI) in OEuvres complètes de Michelet, édition définitive et corrigée, Flammarion, Paris, 1893-1898.
- Jules Michelet, Journal, Gallimard, Paris, 1959-1976 (Tome I).
- Félix Rousseau (historien wallon), La Meuse et le pays mosan en Belgique. Leur importance historique avant le XIIIe siècle, (Éditions Culture et civilisation, Bruxelles 1977.
- Paul Berben et Bernard Isselin, Les panzers passent la Meuse, Laffont, Paris, 1967.
- Félix Rousseau (historien wallon), L'Art Mosan, Duculot, Gembloux, 1970
- Catalogue de l'exposition Rhin-Meuse, Bruxelles, Cologne, 1972.
- Félix Rousseau, La Wallonie, terre romane, Institut Destrée, Charleroi, 1977.
- Rita Lejeune, Les légendes épiques in La Wallonie, le pays et les hommes (Tome I, Lettres, arts, culture), La Renaissance du livre, Bruxelles, 1974-1986, pages 119-135.
- John Horne et Alan Cramer, Les Atrocités allemandes, Tallandier, Paris, 2005.
- Marc Suttor, Vie et dynamique d'un fleuve. La Meuse de Sedan à Maastricht (des origines à 1600) (Bibliothèque du Moyen Âge, 24), Turnhout, De Boeck & Larcier s.a., 2006. ISBN 2-8041-5041-0.
- Patrick Beurard-Valdoye, "MOSSA" (éd. Al Dante, 2002), poésie.
Référence